Gaude, garance et guède …

Non ce ne sont pas trois prénoms de personnages médiévaux qui auraient marqué l’histoire de Poilvache (quoique … interromprait le philosophe), mais trois plantes identifiées lors de fouilles archéologiques très récentes à Bruxelles et à Malines, comme le rapportent un article sur le site web de l’Institut des Sciences naturelles et cet article du journal Le Soir de mi-janvier 2025.  L’archéologie des plantes et des jardins est récente. Plusieurs sciences connexes à l’archéologie nous aident à mieux comprendre le passé de nos environnements. La paléobotanique, la carpologie, la palynologie … étudient le végétal. Vous comprenez bien que les traces matérielles datées sont rares. Il faut vraiment en profiter quand il y en a !

On savait que Bruxelles et Malines étaient des lieux importants de production textile au Moyen Age, mais il est très rare de retrouver des traces archéologiques de ces plantes, la gaude, la garance et la guède, précise l’Institut des sciences naturelles. Trouvées dans les couches fluviatiles datant du Xe au XVe siècle, il s’agit vraisemblablement de déchets des teinturiers. La découverte est exceptionnelle surtout par la présence du pastel. L’étude archéologique est réalisée par Speleers, L., Vanden Berghe, I., Ghesquière, V. et al., Colourful rivers: archaeobotanical remains of dye plants from urban fluvial deposits in the southern Low Countries (Belgium) et publiée dans la revue Veget Hist Archaeobot en 2024.

On se peint en jaune ou en bleu ? Documentons-nous à l’essentiel avec les 3 pages wikipedia consacrées à ces plantes. 

La gaude est le réséda des teinturiers (Reseda luteola L.) est une plante herbacée bisannuelle de la famille des Résédacées, assez commune en Europe occidentale et méridionale, qui fut cultivée autrefois comme plante tinctoriale. Toute la plante contient des matières jaunissante.

Au Moyen Âge, les enlumineurs ont utilisé la gaude, quelquefois désignée sous son nom italien d’arzica, suivant Cennino Cennini (Daniel V. Thompson, The Materials and Techniques of Medieval Painting, 1956, p. 187 ; en français Avidgor Arikha, Peinture et regard : écrits sur l’art, éd. Hermann, 2011, p. 22). Cette plante porte aussi le nom d’« herbe des Juifs » car c’est l’une des plantes utilisée, du XIIIe au XVIIIe s., par les Juifs du Comtat Venaissin (qui était alors un domaine pontifical) pour teindre en jaune les chapeaux qu’ils étaient obligés de porter comme signe distinctif.

La garance des teinturiers, Rubia tinctorum L., est une plante vivace de la famille des Rubiacées qui fut largement cultivée pour la teinture rouge extraite de ses rhizomes. Elle a aussi des vertus médicinales. Cette plante vivace possède des tiges de section carrée couchées ou grimpantes par ses petits aiguillons crochus,  mesurant 1 m de long. La floraison a lieu de juin à aout. Vous pouvez l’admirer et en savoir plus à l’Archéoparc de Malagne (Rochefort). La garance fait partie des plantes dont la culture est recommandée dans les jardins royaux par le capitulaire « De Villis » de l’an 812. La culture de la garance présentait un grand intérêt économique dans le domaine du textile grâce à la teinture extraite de ses racines. Mais cela nécessite des sols profonds, défoncés, humides mais sans excès pour éviter le pourrissement des racines. La préparation du sol était un véritable travail de forçat car il faut retourner la terre sur au moins 50 cm à l’aide d’un outil spécial et renforcé, le « luchet ». Au milieu du XIVe s., on sait que la culture de la garance était réglementée en Zélande. La ville de Zierikzee, sur l’île de Schouwen, interdisait la vente de draps anglais si ceux-ci devaient être teints (Nelly Johanna Martina KERLING, Commercial relations of Holland and Zeeland with England from the late 13th century to the close of the Middle Ages, Leyden, éd. Brill, 1954, p. 123). Une fois réduite en poudre, la garance était expédiée des ports zélandais (notamment Middelbourg) à Londres, Hull, Southampton et Lynn où son usage semble avoir été essentielle à l’industrie drapière anglaise durant le xve siècle (KERLING N.J.M., Commercial relations of Holland and Zeeland with England from the late 13th century to the close of the Middle Ages, Leiden, éd. Brill, 1954,  p. 124)

La  guède est le nom vernaculaire du pastel des teinturiers. Il dérive d’une racine germanique. Le Pastel des teinturiers (Isatis tinctoria L.) est une espèce de plantes herbacées bisannuelles, de la famille des Brassicaceae, qui pousse à l’état sauvage en Europe du Sud-Est ainsi qu’en Asie. Utilisée comme plante médicinale et tinctoriale par les Grecs et les Romains de l’Antiquité (PLINE, Histoire naturelle, XX, 59), elle fut largement cultivée au cours du Moyen Âge suite au culte rendu la Vierge Marie et de la Renaissance, en Europe, pour la production d’une teinture bleue, extraite des feuilles, avant d’être détrônée par l’indigotier, puis par les colorants de synthèse. Le nom vulgaire pastel vient du latin pasta « pâte », par l’occitan pastèl, car autrefois les feuilles d’Isatis tinctoria étaient broyées dans les moulins à pastel et formaient une pâte ensuite fermentée et séchée. De la pâte tinctoriale, le terme en est venu à désigner aussi la plante avec laquelle on la fabrique. L’auteur de la page avait de la documentation particulièrement sur la France. On apprend ainsi que la culture du pastel ou guède s’est développée au Moyen Âge, en Picardie notamment, et a fait la fortune de la ville d’Amiens entre le XIIe et le XVe s. grâce à ses capacités tinctoriales. Avec la Guerre de Cent Ans, la culture recula jusqu’à disparaître en Picardie et se développa dans le Midi toulousain. La guède est aussi une plante médicinale, une plante fourragère et une plante ornementale. La chimie l’étudie aussi. 

Nous espérons pouvoir publier prochainement un article dans notre périodique avec une documentation plus … belge.

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